Interventions digitales dans l’organisation sanitaire régionale pour la prise en charge des patients atteints de cancer
En France, l’amélioration de la coordination ville-hôpital et des échanges d’informations entre professionnels sont toujours à l’ordre du jour. L’équipe de premier recours (médecin généraliste, pharmacien et infirmier), dite « de ville » ou de « soins primaires », doit constituer un triumvirat solide, au sein duquel une communication fluide est idéale pour une meilleure prise en charge du patient atteint de cancer. Pour cela, des outils notamment digitaux ont été créés et sont disponibles sur plusieurs canaux d’information.
Les médecins de premier recours rédigent un courrier dit d’adressage visant à informer leurs interlocuteurs sur les antécédents, la présentation clinique actuelle, le résultat des différents examens s’il y a lieu, et la suspicion diagnostique. Celui-ci est confié au patient. Le développement de plateformes régionales d’appui ou de gestion des cas permet d’aider les médecins à sélectionner le bon parcours de soin pour les patients dans des situations complexes.
Les différentes étapes de ce parcours sont pour leur part caractérisées par des temps dédiés différents : le patient consulte son médecin généraliste, le diagnostic est posé, son dossier est discuté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) entre différents professionnels spécialistes de la prise en charge oncologique. Les expérimentations, notamment sur les myélodysplasies, montrent qu’il est possible et surtout utile d’y intégrer le médecin généraliste du patient concerné de façon dématérialisée (télé ou visio conférence), mais cela se fait au prix d’une organisation très lourde pour l’hôpital comme pour le médecin. Le patient entre ensuite dans le dispositif d’annonce. Un Programme Personnalisé de Soins (PPS) lui est remis puis les traitements spécifiques sont initiés. (Voir figure 1)
En matière d’outils, le Dossier Communicant de Cancérologie (DCC) est une interface de recueil d’information pour les médecins généralistes et les pharmaciens d’officine, et bientôt également pour les infirmiers libéraux. L’élément central en est la synthèse de la RCP, accessible directement via la carte CPS du professionnel sur l’espace numérique des Réseaux Régionaux de Cancérologie (RRC).
Quant à l’annonce médicale, elle ne peut actuellement être numérisée. Dans les projections d’avenir, la précision d’algorithmes de diagnostic ou d’aide à la décision médicale voire à la prescription, seront des apports probablement majeurs qu’il faudra apprivoiser pour les faire entrer dans les pratiques. L’annonce pourra alors s’appuyer en partie sur ces outils.
Les médecins de premier recours rédigent un courrier dit d’adressage visant à informer leurs interlocuteurs sur les antécédents, la présentation clinique actuelle, le résultat des différents examens s’il y a lieu, et la suspicion diagnostique. Celui-ci est confié au patient. Le développement de plateformes régionales d’appui ou de gestion des cas permet d’aider les médecins à sélectionner le bon parcours de soin pour les patients dans des situations complexes.
Les différentes étapes de ce parcours sont pour leur part caractérisées par des temps dédiés différents : le patient consulte son médecin généraliste, le diagnostic est posé, son dossier est discuté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) entre différents professionnels spécialistes de la prise en charge oncologique. Les expérimentations, notamment sur les myélodysplasies, montrent qu’il est possible et surtout utile d’y intégrer le médecin généraliste du patient concerné de façon dématérialisée (télé ou visio conférence), mais cela se fait au prix d’une organisation très lourde pour l’hôpital comme pour le médecin. Le patient entre ensuite dans le dispositif d’annonce. Un Programme Personnalisé de Soins (PPS) lui est remis puis les traitements spécifiques sont initiés. (Voir figure 1)
En matière d’outils, le Dossier Communicant de Cancérologie (DCC) est une interface de recueil d’information pour les médecins généralistes et les pharmaciens d’officine, et bientôt également pour les infirmiers libéraux. L’élément central en est la synthèse de la RCP, accessible directement via la carte CPS du professionnel sur l’espace numérique des Réseaux Régionaux de Cancérologie (RRC).
Quant à l’annonce médicale, elle ne peut actuellement être numérisée. Dans les projections d’avenir, la précision d’algorithmes de diagnostic ou d’aide à la décision médicale voire à la prescription, seront des apports probablement majeurs qu’il faudra apprivoiser pour les faire entrer dans les pratiques. L’annonce pourra alors s’appuyer en partie sur ces outils.
Les effets indésirables peuvent survenir à tout moment et le médecin généraliste, le pharmacien d’officine ou l’infirmier libéral doivent pouvoir les identifier et prendre en charge les patients qui les sollicitent. Une multitude d’applications digitales voit le jour, que ce soit pour la surveillance au domicile des patients après une intervention chirurgicale ou pour le suivi thérapeutique. Elles proposent toutes que le patient renseigne des informations de façon régulière. Les études montrent que les patients participent activement à ce recueil d’informations. Mais qui recueille effectivement les informations ? Que se passera-t-il si les patients ne renseignent pas les données de suivi ? Qui recevra l’alerte de l’apparition d’un effet indésirable : l’oncologue, l’infirmier coordinateur ou/et libéral, le coordonnateur du parcours de soins, l’infirmier de pratique avancée, le pharmacien, le médecin généraliste ? Que se passera-t-il en dehors des horaires de travail des référents identifiés ? À l’heure actuelle, ces questions ne sont pas encore tranchées et ne semblent pas trouver de réponse évidente.
Pour autant, des programmes comme STaR « Symptom Tracking and Reporting », qui permet aux patients de renseigner les effets indésirables des traitements, ont montré un allongement de la durée de vie et une amélioration de la qualité de vie. Le développement d’une application expérimentale nommée AKO@dom semble être une solution d’accompagnement destinée aux patients atteints d’un cancer métastatique et traités à domicile par thérapie orale. Elle serait initiée par l’oncologue, et permettrait de coordonner et sécuriser la mise en place du traitement en ville.
Pour autant, des programmes comme STaR « Symptom Tracking and Reporting », qui permet aux patients de renseigner les effets indésirables des traitements, ont montré un allongement de la durée de vie et une amélioration de la qualité de vie. Le développement d’une application expérimentale nommée AKO@dom semble être une solution d’accompagnement destinée aux patients atteints d’un cancer métastatique et traités à domicile par thérapie orale. Elle serait initiée par l’oncologue, et permettrait de coordonner et sécuriser la mise en place du traitement en ville.
Enfin, pour détecter des récidives précoces, MoovCare pour les patients atteints de cancer du poumon, permet au patient de répondre de façon hebdomadaire à un questionnaire simple. L’équipe médicale est alertée et peut relancer un traitement. C’est une interface directe entre le patient et l’équipe de soins spécialisée, sans implication du médecin généraliste ou de l’équipe de soins premiers.
Enjeux, risques et conséquences éthiques de la numérisation du parcours « « ville-hôpital »
Désormais, la santé digitale apparaît comme la réponse stratégique pour la gestion de l’incertitude, suscitant un certain enthousiasme. Toutefois, l’émergence de cette numérisation prometteuse pose des problèmes nouveaux aux professionnels de santé, d’ordre judiciaire et médical, relatifs à des nouvelles exigences de légitimité du droit à l’information – ce qui provoque une certaine désorganisation et bouleversement dans la relation médecin-patient. À cela s’ajoute une véritable prise de conscience et remise en cause éthique sur le plan de la déontologie médicale, le droit et la liberté d’accès à l’information médicale (Cf. Égalité et équité sociale), la sécurité et la protection des données numériques de santé, la responsabilité médicale, le secret médical, la confidentialité et la vie privée (Cf. Anonymisation), l’autonomie du professionnel de santé (Cf. Libre arbitre) et du patient (Cf. Consentement libre et éclairé), la discrimination et les biais de certains algorithmes issus de systèmes d’aide à la décision médicale qui entourent cette médecine digitale.
Dans ces conditions, cette digitalisation inéluctable du parcours « ville-hôpital » des patients atteints de cancer, nous amène à nous interroger sur les aspects à la fois médicaux, technologiques, légaux et éthiques qu’un tel sujet peut avoir sur l’avenir de notre modèle de santé : quels sont les changements que peuvent apporter les applications numériques sur la prise en charge des soins ? Comment exploiter l’ensemble des données recueillies au cours du processus de soins ? Comment faire le lien entre l’ensemble de ces données ? Comment les partager ? Qui y a accès ? Sous quelles formes ? L’information doit-elle être la même pour tous ? Quelles sont les données dont une personne a besoin pour bien décider ou agir ? Comment concilier la nécessité d’échange et de partage, avec le respect de la vie privée et de la confidentialité ? Où trouve-t-on des données de santé fiables et comment faut-il les utiliser dans un souci d’efficience des soins ?
Autant de questions qui suscitent une certaine inquiétude et perte de confiance des acteurs de la santé dans les valeurs-mêmes et l’usage des interventions digitales, entrainant ainsi un sentiment global profondément déstabilisant et une vigilance accrue.
Dans ces conditions, cette digitalisation inéluctable du parcours « ville-hôpital » des patients atteints de cancer, nous amène à nous interroger sur les aspects à la fois médicaux, technologiques, légaux et éthiques qu’un tel sujet peut avoir sur l’avenir de notre modèle de santé : quels sont les changements que peuvent apporter les applications numériques sur la prise en charge des soins ? Comment exploiter l’ensemble des données recueillies au cours du processus de soins ? Comment faire le lien entre l’ensemble de ces données ? Comment les partager ? Qui y a accès ? Sous quelles formes ? L’information doit-elle être la même pour tous ? Quelles sont les données dont une personne a besoin pour bien décider ou agir ? Comment concilier la nécessité d’échange et de partage, avec le respect de la vie privée et de la confidentialité ? Où trouve-t-on des données de santé fiables et comment faut-il les utiliser dans un souci d’efficience des soins ?
Autant de questions qui suscitent une certaine inquiétude et perte de confiance des acteurs de la santé dans les valeurs-mêmes et l’usage des interventions digitales, entrainant ainsi un sentiment global profondément déstabilisant et une vigilance accrue.
Une nécessaire « médecine numérique à visage humain »
En conclusion, la modernisation « digitale » de la prise en charge de santé des patients doit s’accompagner d’une modernisation « éthique » dessinant une médecine numérique à visage humain. Ceci passe nécessairement par une réflexion éthique sur des procédures de contrôle, d’encadrement, de formation et de sensibilisation de cette médecine numérique, et dont l’objectif majeur est de prendre en considération les enjeux humains afin d’en maitriser les déviances et les risques éventuels.
À notre sens, le développement d’outils pratiques, simples et numériques, uniformisés par les instances nationales, permettra probablement d’améliorer leur accessibilité et de donner confiance aux professionnels du premier recours pour la prise en charge des patients atteints de cancer. Il est essentiel que cette médecine digitale réponde à la fois aux attentes des usagers de santé mais également aux exigences des professionnels de santé.
En définitive, cette médecine contemporaine doit obéir, d’une part, à des principes éthiques tels que la bienfaisance, l’autonomie, la non-malfaisance et la justice, et d’autre part, à des règles d’éthique relatives à la transparence, l’explicabilité, la confidentialité, l’intégrité, le bien commun, le respect de la personne, la responsabilité, et la qualité – autant de valeur qui garantissent la crédibilité, la confiance, l’universalité, l’inclusion, la cohérence et la pertinence du digital. Elle doit aussi être utilisable et bénéfique, c’est-à-dire s’intégrer dans un programme accessible de résolutions de problèmes de nature multiple : organisationnelle, stratégique, humaine, sanitaire, territoriale et économique. Avec cette vigilance éthique accrue, nous sommes persuadés que le numérique peut devenir le trait d’union bénéfique dans le lien « ville-hôpital » en aidant les professionnels de santé notamment au moment de l’annonce du diagnostic, et non en les remplaçant.
À notre sens, le développement d’outils pratiques, simples et numériques, uniformisés par les instances nationales, permettra probablement d’améliorer leur accessibilité et de donner confiance aux professionnels du premier recours pour la prise en charge des patients atteints de cancer. Il est essentiel que cette médecine digitale réponde à la fois aux attentes des usagers de santé mais également aux exigences des professionnels de santé.
En définitive, cette médecine contemporaine doit obéir, d’une part, à des principes éthiques tels que la bienfaisance, l’autonomie, la non-malfaisance et la justice, et d’autre part, à des règles d’éthique relatives à la transparence, l’explicabilité, la confidentialité, l’intégrité, le bien commun, le respect de la personne, la responsabilité, et la qualité – autant de valeur qui garantissent la crédibilité, la confiance, l’universalité, l’inclusion, la cohérence et la pertinence du digital. Elle doit aussi être utilisable et bénéfique, c’est-à-dire s’intégrer dans un programme accessible de résolutions de problèmes de nature multiple : organisationnelle, stratégique, humaine, sanitaire, territoriale et économique. Avec cette vigilance éthique accrue, nous sommes persuadés que le numérique peut devenir le trait d’union bénéfique dans le lien « ville-hôpital » en aidant les professionnels de santé notamment au moment de l’annonce du diagnostic, et non en les remplaçant.
Article publié dans le numéro de décembre d'Hospitalia à consulter ici.